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Union européenne - Page 64

  • Négociations commerciales à l’OMC : l’impasse

    Les négociations sont suspendues : « Aujourd’hui, il n’y a que des perdants ». C’est ainsi qu’est annoncé sur le site de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) le nouvel échec des négociations menées dans le cadre du programme de Doha. 

     

    En 2001, les pays membres de l’OMC réunis à Doha, au Qatar,  s’étaient mis d’accord sur un calendrier de libéralisation des échanges commerciaux mondiaux. Cinq ans après, les négociations butent toujours sur l’agriculture. Les pays  pauvres dont l’économie repose en grande partie sur cette production veulent que les  Etats-Unis et l'Union européenne réduisent leurs subventions agricoles. Ces derniers  demandent pour leur part une ouverture des secteurs des services et des produits industriels des grands pays en développement, comme le  Brésil et l'Inde. Mais si les pays développés clament haut et fort leur volonté de permettre aux pays les plus pauvres de commercer « à armes égales » (du moins sur le plan juridique), chacun estime avoir fait assez de concessions. Un exemple de ces dissensions est donné par l’opposition entre l’Union européenne qui estime être déjà allée très loin dans les offres qu’elle pouvait faire dans le dossier agricole (la France en particulier s’opposait à de nouvelles offres), et les Etats-Unis.

     

     

    Constatant un désaccord persistant, le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy a annoncé, le 24/07/2006 qu’il allait proposer aux états membres de l’organisation,  la suspension des négociations sans fixer de délai pour leur reprise. C’est donc l’impasse annoncée par l ‘échec de la réunion de décembre 2005 à Hong-Kong et du coup, tout le cycle de négociations paraît remis en cause. Pascal Lamy déclarait lors de la Conférence de presse : « Nous avons manqué une très importante occasion de démontrer que le multilatéralisme fonctionne…Le sentiment de frustration, de déception et d’impatience était unanime chez les pays en développement cet après-midi… ». Son intervention s’est terminée par une mise en garde contre la résurgence du protectionnisme et l’abandon de toute chance pour les pays les plus vulnérables de pouvoir participer à un commerce mondial régulé, « le plus sûr espoir de croissance et de réduction de la pauvreté ».

     

     

    Quant aux Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui critiquaient le cycle de Doha, leurs réactions sont mitigées . Certaines, à l’instar d’Oxfam soulignent que la suspension des négociations ne résoudra rien, tant que les Etats-Unis et l’Europe ne réduiront pas leurs subventions, et craignent une remise en cause du multilatéralisme. «  Nous sommes préoccupés par le fait que les Etats-Unis et que l’UE ne se recourent désormais plus qu’à de désastreux accords commerciaux régionaux pour forcer l’accès aux marchés des pays en développement » dit le porte parole de l’ONG . D’autres comme Greenpeace ou Via campesina se réjouissent de l’échec de Doha  et appellent à la mise en place d’un nouveau système commercial mondial fondé sur l’ « équité » et le développement durable.

     

     

    A l’inverse, des représentants du secteur des services et des entreprises déplorent que les services aient été sacrifiés à l’agriculture, secteur dont ils soulignent que le rôle dans le commerce mondial et le développement économique est moins important que celui des services.

     

    Du côté des pays, les délégations des états africains ne cachaient pas leur amertume après cet échec des négociations, une d’elle déclarait : « Nous réalisons que nous sommes à présent pris en otages par les pays les plus développés ».

     

     

    L’Union européenne, quant à elle, a rejeté la responsabilité de l’échec sur les Etats-Unis par la voix du  Commissaire au Commerce  M.Mandelson qui a déclaré : « Les Etats-Unis ont été incapables, ou n'ont pas voulu, montrer la moindre souplesse sur la question des subventions agricoles», alors que « nous l'avons tous fait ».

     

     

     

    Si l’échec devait se confirmer, la conséquence pourrait être la multiplication des accords bilatéraux (d’état à état), c’est-à-dire le retour à un foisonnement de règles différentes, rendant les échanges commerciaux beaucoup plus complexes et renforçant les inégalités entre pays, les « grands » étant plus en mesure d’imposer leurs vues à un « petit » pays isolé.

     

     

     

  • Droit à l’allocation de chômage et condition de résidence

    Dans un arrêt du 18/07/2006, la Cour de Justice des Communautés européennes juge qu’un état peut refuser le maintien au droit à une allocation de chômage si le bénéficiaire réside dans un autre état de l'Union européenne

    (CJCE, 18/07/2006, aff.C-406/04, Gérald De Cuyper / Office national de l'emploi).

     

    Une telle règle n’est pas automatiquement contraire au principe de libre circulation et au droit de séjour dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne dans tout état membre de celle-ci.

     

    En l’espèce, un salarié belge travaillant en Belgique avait perdu son emploi et bénéficiait des allocations de chômage. Il avait déclaré résider en Belgique, ce qu’un contrôle réalisé par  l'Office national de l'emploi avait révélé être faux, puisqu’il résidait en France. A la suite de quoi, il avait vu ses allocations supprimées ce qu’il avait contesté en justice arguant du fait que la condition de résidence était contraire aux règles du droit communautaire.

     

    Ce raisonnement est rejeté par la Cour de Justice qui rappelle que le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres de l'Europe communautaire, n’est pas absolu. Il est soumis à des limitations et des conditions prévues par le traité et par les dispositions prises pour son application. Or le règlement  n° 1408/71 qui organise la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale prévoit seulement deux cas dans lesquels les états sont obligés de permettre aux bénéficiaires d’une allocation de chômage de résider sur le territoire d’un autre État membre, tout en maintenant leurs droits aux allocations. Le premier cas est celui du chômeur se rendant  dans un autre État membre «pour y chercher un emploi». Le second celui du chômeur qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un autre Etat membre.

     

    Aucun de ces cas ne correspondait à la situation du requérant.

     

    Dès lors, l’état pouvait imposer une condition de résidence au maintien du droit aux prestations de chômage car une telle condition se justifiait par la nécessité de contrôler la situation des chômeurs et s’assurer qu’elle n’avait pas changé. Selon la Cour, la condition de résidence est justifiée ainsi par des  considérations objectives, d’intérêt général, et non discriminatoires car elles sont indépendantes de la nationalité des personnes concernées . De plus, ajoute la Cour, les spécificités des contrôles en matière d'allocation de chômage justifient l’imposition de mécanismes plus contraignants que ceux imposés dans le contrôle d’autres prestations.

     

  • Un plan B de plus en plus hypothétique

    Surfant nonchalamment (pour cause de torpeur estivale) sur internet je tombe sur une tribune de RM Jennar dans l'Huma du 13/07/2006.

     

     

     

    Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, je précise que RM Jennar est un des "gurus" du non de gauche, proche d'Attac, chercheur à Oxfam-Solidarité Belgique et à l'URFIG (Unité de Recherche, de Formation et d'Information sur la Globalisation, "une petite structure informelle disposant de moyens financiers très limités" selon la présentation sur son site).

     

     

     

    Bref, un éminent membre de la mouvance qui se dit altermondialiste (terme plus politiquement correct qu'antimondialiste) et qui a mené une campagne active pour le vote non au référendum sur le traité constitutionnel. A cette circonstance, M.Jennar a  doctement disserté à moultes reprises sur les inqualifiables tares du traité, dont en vertu de son statut de spécialiste (sa biographie indique qu’il est docteur en science politique), il paraissait parfaitement  en mesure de livrer une analyse exempte d'erreurs (à défaut d'être objective). Du moins pouvait-on le penser à lire ses jugements péremptoires  sur le fonctionnement  de l'Union européenne.

     

     

     

    Hélas, trois fois hélas, voila que RM Jennar reconnaît aujourd'hui découvrir "une réalité" qu'il ne percevait pas "avec la même intensité" auparavant. La réalité étant que, contrairement à, ce qu’il croyait (ou faisait semblant de croire) lorsqu’il appelait à l’union des peuples contre la dérive ultralibérale de l’Europe, le non de gauche français est loin de faire des émules et qu’en fait il existe une majorité pro libérale dans l’instance démocratiquement élue :  le Parlement européen (pour le Conseil et la Commission , il s’en doutait quand même un peu) !

     

     

     

    Bref, M.Jennar vient de découvrir la variante européenne du fil à couper le beurre. Et donc, voilà M.Jennar brûlant ce qu’il avait adoré et renonçant à l’idée pourtant ardemment défendue naguère par les leaders du non pour présenter une alternative au refus du traité, de confier à un parlement constituant européen le soin de rédiger la constitution de l’Europe. « Même si j’observe une compréhension grandissante dans plusieurs pays d’Europe pour la démarche qui a inspiré le « non » de gauche français au TCE », affirme R.M. Jennar (sans dire sur quoi il fonde cette «observation »), « je n’ai pas du tout le sentiment que, dans trois ans, pourrait émerger du scrutin européen une majorité favorable à une Europe européenne, attachée à réaliser une alternative politique, économique, sociale et écologique au système que nous subissons ». Conclusion : il est urgent de rien faire et surtout il ne faut pas demander de parlement constituant, car ce serait « suicidaire » affirme R.M.Jennar. En attendant, les partisans du non de gauche pro européens sont invités à attendre un grand soir toujours plus hypothétique et un plan B toujours plus lointain.

     

     

     

    C’est exactement le scénario que redoutaient les pro européens qui avaient appelé à voter oui : la paralysie et le maintien des traités actuels sans les garde fous du Traité constitutionnel. Il n’était pas nécessaire d’être grand clerc pour le comprendre. Mais, en revanche, il fallait connaître la situation réelle en Europe et être honnête.

     

     

     

    Il se trouvera sans doute de bonnes âmes pour dire qu’on a le droit de changer d’avis et que R.M.Jennar a l’honnêteté de reconnaître qu’il s’est trompé, à l’instar d’Etienne Chouard qui refaisait son argumentation au fur et à mesure que l’on lui en démontrait l’absurdité, comme Pénélope défaisant la nuit ce qu’elle avait tissé le jour.

     

     

     

    Sauf que… des gens les ont crus et que l’on commence seulement à entrevoir les conséquences calamiteuses de cette croyance.

     

     

     

    Or, ou M.Jennar savait ce qu’il fait mine de découvrir aujourd’hui ou il ne le savait pas. Dans le premier cas, il a contribué à la désinformation en faisant miroiter une réorientation de l’Europe à la suite du « choc salutaire » que devait  provoquer le rejet du traité, dans le second cas il a disserté sur des questions qu’il ne maîtrisait pas en laissant croire qu’il en était spécialiste. Cela ne s’appelle-t-il pas se moquer des gens ? Car en leur affirmant qu’il y avait forcément un plan B après le non (autre que la simple continuation des règles existantes) on les a dissuadés de se poser la question suivante : vaut-il mieux maintenir les traités européens actuels ou les remplacer par le traité constitutionnel ?

     

     

     

    Quant à moi, j’envisage de consacrer mon prochain article aux moeurs des bonobos. Je n’y connais rien. Mais est-ce vraiment un problème ?

     

     
  • Nul n’est censé ignorer le droit communautaire : droit communautaire et droit national . III- La primauté du droit communautaire

     En 1964, la Cour de Justice des Communautés européennes pose un principe promis à un grand avenir en considérant que  : « Issu d'une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même; …le transfert opéré par les états, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire,des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté". (15/07/1964, aff.6/64, Costa/Enel).

    En clair, en cas de conflit d’une règle de droit interne avec une règle de droit communautaire, c’est la première qui doit être déclarée inapplicable (on suppose bien entendu que la disposition communautaire a été prise dans un des domaines de compétences de l’Union et non dans un domaine relevant du seul droit national). Concrètement :"le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée… toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci" (Cour de justice des Communauté européenne, 09/03/1978, aff.106/77, Simmenthal/Administration des finances de l'état). Cela vaut pour l’ensemble des textes qui composent le droit communautaire.

     

    Ce principe est particulièrement contesté par les souverainistes et plus généralement par tous ceux qui ne supportent pas l’idée, non seulement d’être tenus de respecter des règles qui n’ont pas été votées par le législateur national, mais aussi qu’elles s’imposent à lui et puissent le désavouer. C’est pourquoi, au moment de la rédaction du traité constitutionnel, ils ont tiré à boulets rouges contre l’article 6 qui consacrait expressément  la jurisprudence de la Cour. Le principe de primauté est en effet l’expression de la supranationalité, c’est-à-dire du fait que l’Union européenne a un pouvoir de décision indépendant de celui des Etats et que ses décisions s’imposent à eux.  Mais il est logique que, du moment que les Etats ont accepté de transférer une partie de leurs compétences à l’Union européenne, ils lui reconnaissent les moyens de les exercer et de les faire respecter. Comment le pourrait-elle si n’importe quelle loi nationale pouvait contredire la loi européenne ? Contester la primauté du droit communautaire c’est refuser que l’intégration européenne se fasse sur une base supranationale et vouloir que l’Union européenne soit une organisation intergouvernementale classique sur laquelle pèse l’épée de Damoclès du veto des états, une ONU régionale en quelque sorte…

     

    Les opposants français à la primauté du droit communautaire ont longtemps pu compter sur le renfort du Conseil d’Etat  qui utilisait un certain nombre d’artifices juridiques pour refuser d’appliquer un texte de droit communautaire lorsqu’une loi nationale postérieure lui était contraire (théorie de l ‘écran législatif). Mais en 1989, le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence complet en reconnaissant qu’une loi devait être conforme aux traités communautaires (C.E. Assemblée,  20/10/1989, Nicolo) . Et comme seul le premier pas coûte, il a par la suite à plusieurs reprises confirmé ce retournement de toge au bénéfice d’autres catégories de textes communautaires : les règlements  (CE, 24/09/1990, Boisdet)  et les directives (CE, 28/02/1992, Rothmans) dont la supériorité (juridique) sur la loi nationale même postérieure est désormais reconnue. La Cour de cassation, pour sa part, n’avait pas fait preuve de tant de patriotisme juridique et s’était ralliée à la primauté du droit communautaire dès 1975 (Cass.ch.mixte, 24/05/1975,J.Vabre).

     

    Il reste encore une question très énervante pour nos souverainistes : celle des rapports du droit communautaire avec les « tables de la loi », la « mère des normes », la norme fondamentale… la Constitution elle-même. Et là, il faut reconnaître que l’on patauge dans l’ambiguïté.